L’Afrique et le Covid-19 : les enjeux de la maladie dans une société en crise

John Igué, Professeur de Géographie à la retraite, Directeur Scientifique du Laboratoire d’Analyse Régionale et d’Expertise Sociale (LARES), Cotonou, Bénin.

Markt vor dem Lockdown in Kampala, Uganda

Bild: von Gilbert Yoti, FES Les marchés et les artères urbaines avant le confinement, Kampala

L’Afrique, depuis la traite des esclaves, la colonisation et la mal gouvernance de la période des indépendances, a toujours été un continent de crises. Celles-ci ont revêtu plusieurs formes : crises du sous-développement, de la mauvaise gouvernance et de la pauvreté, caractérisées par des tensions sociales aigues, occasionnées ces dernières années par l’échec de la démocratisation de l’Etat et de la société, la résurgence des intégrismes religieux et la persistance de maladies endémiques comme la lèpre, la variole, le paludisme et depuis peu le VIH Sida et l’Ebola.

Certaines de ces maladies n’ont jamais trouvé jusqu’ici des solutions idoines tant par l’amélioration des infrastructures sanitaires que par la mise sur le marché des médicaments efficaces. C’est dans ce contexte de déficience en équipements et en médicaments qu’intervient actuellement le Covid-19.

L’impact de cette nouvelle maladie, par son mode de contamination sera très sévère ici en raison des différentes carences de la société africaine. En effet, le mode de fonctionnement de la société africaine et la nature de son économie ne facilitent pas les mesures suggérées pour limiter la propagation du Covid-19. C’est la raison pour laquelle la plupart des Etats africains ont choisi de ne pratiquer que le confinement partiel.

Le fonctionnement de la société africaine est essentiellement basé sur les attroupements de masse à travers les établissements humains précaires et populeux, les types d’habitations insalubres où cohabitent plusieurs ménages et une économie de distribution fondée sur les marchés périodiques à l’intérieur desquels se côtoient des milliers de vendeurs et d’acheteurs.

La nature de l’économie, essentiellement basée sur l’informel est en contradiction avec le confinement. Le secteur informel a pour cadre d’activités les marchés périodiques, les principales artères urbaines et le système des ambulants. C’est à partir de ces cadres de travail que les acteurs se procurent des revenus quotidiens dépensés le même jour pour la survie des ménages. Ce système informel de revenus précaires à caractère quotidien ne permet d’accumuler que peu de revenus. Cela signifie que ses acteurs ne disposent pas suffisamment d’économies pour se protéger sur de moyens et longs termes. Le peu de réserves financières générées par le secteur informel est le plus souvent placé dans des tontines en lieu et place des banques dont les gains ne sont pas immédiatement disponibles. Il faudrait attendre son tour dont la durée dépend du nombre des personnes engagées dans ces tontines. Les revenus générés par le secteur informel en dehors de leur nature quotidienne ne sont pas souples pour faire face à l’urgence.

Dans ces conditions, la lutte contre le Covid-19 pour les couches pauvres passe par le soutien financier de l’Etat, lequel n’a jamais de réserves financières suffisantes à mobiliser pour les urgences sociales en raison d’un fonctionnement fortement tributaire de l’aide extérieure. Cette situation se traduit par le désarroi complet des sociétés africaines face au Covid-19.

Il urge donc que des mesures alternatives soient envisagées rapidement. Celles-ci tardent à venir en raison de la panique que provoque la maladie. Tous les Etats s’orientent plutôt vers la remise des dettes contractées auprès des bailleurs de fonds, la demande d’une aide internationale plus accrue et la solidarité nationale par appels de dons de quelques patriotes.

Pour éviter cela, l’Afrique doit innover face à la nature actuelle de son économie pour être à la hauteur des phénomènes d’urgence. Elle doit revoir de fond en comble le fonctionnement de sa société et de son économie en renforçant les valeurs ancestrales fondées sur la solidarité, le partage et la sobriété. Les Africains sont allés trop loin dans le mimétisme de l’Occident avec pour conséquence l’apparition d’une classe de riches assez arrogante par son comportement et celle d’une couche de pauvres en pleine expansion, réfugiée dans les ghettos urbains. Le discours sur l’accumulation doit être revisité à la faveur d’une économie de partage qui doit conférer plus de place à une nouvelle approche sur le développement et sur le rôle de l’Etat.

Sur le développement, l’accent doit être plutôt mis sur le bien-être et la sécurité humaine que sur le revenu par capita. Ce faisant, la base de l’économie sera fondée sur la recherche des activités solidaires visant à améliorer les ressources humaines, à accroitre la productivité de travail, à diversifier les productions et à revoir le mode de consommation des élites plus tourné vers le marché international que vers le soutien à la production locale.

Sur le rôle de l’Etat, l’Afrique doit réformer son mode de gouvernance en travaillant à l’émergence d’un leadership plus responsable, conscient des enjeux du pouvoir, et des intérêts des populations gouvernées. Les nouveaux leaders africains doivent œuvrer à la promotion d’un cadre social plus paisible et plus sécuritaire et à une meilleure conscientisation des couches pauvres par un encadrement politique efficace, un programme de communication et d’alphabétisation rénové. C’est à ce prix que les Africains pourront mieux faire face aux enjeux de développement et aux crises épidémiologiques comme celle du Covid-19 par exemple. Les Africains doivent enfin réfléchir à une nouvelle économie débarrassée des rentes des matières premières sous toutes leurs formes victimes de l’instabilité des marchés comme c’est le cas actuellement suite aux conséquences du Covid-19.


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