Le corona virus et l’Afrique : du désastre annoncé au rebond espéré

Kako Nubukpo, économiste, est le doyen de la Faculté des sciences Economiques et de Gestion de l’Université de Lomé (Togo).

Vorsitzender Gonzaga Yiga mit heruntergezogener Maske und mit Megaphone auf einem Hausdach.

Image: of Katumba Badru Sultan, FES Gonzaga Yiga, 49 ans, président de la communauté, lance un appel aux habitants du plus haut bâtiment de la région à travers un mégaphone, matin et soir, sur la manière de freiner le coronavirus COVID-19, à Kampala, en Ouganda, le 24 mars 2020.

La pandémie du corona virus (Covid-19) fait basculer l’Afrique dans une rupture systémique dont nous n’appréhendons pas encore pleinement l’ampleur. A court terme, les arbitrages s’annoncent douloureux entre la préservation de la santé des populations, qui nécessite un confinement strict des populations, et le maintien d’un fort dynamisme économique, incompatible avec un confinement durable de populations très peu salariées et généralement sans filet de protection économique et sociale. A moyen terme, il se posera la question des transformations structurelles à mettre en œuvre au sein de l’espace économique africain, afin d’augmenter la résilience économique et sociale des populations.

Toute crise, aussi dramatique soit-elle, peut néanmoins receler des opportunités à saisir afin de co-construire une mondialisation plus équitable et écologiquement viable. A cet égard, trois urgences méritent d’être prises en considération, du plus factuel au plus conceptuel :

Il y a d’abord l’urgence à évaluer l’impact des deux chocs (offre et demande) qui constituent à l’heure actuelle, les conséquences les plus remarquables du Covid-19, sur les budgets. En effet, il y a rupture des chaînes d’approvisionnement, issue de la chute de la production chinoise et de ses effets induits sur toutes les chaînes logistiques mondiales. En termes de choc de demande, c’est l’impact de la chute de la demande mondiale de matières premières, celle du tourisme et celle donc des revenus des agents économiques qu’il faudra évaluer. De même, la hausse prévisible des dépenses de santé devrait certainement conduire à réévaluer les ressources financières consacrées au développement humain, dans un souci de prise en compte effective des principes fondamentaux d’équité, d’inclusion et de durabilité, conformément aux objectifs du développement durable (ODD). Rien ne serait pire que de privilégier les mesures de renforcement de la demande, à l’instar des transferts de fonds aux ménages, au détriment de l’accroissement des capacités de production et d’approvisionnement internes en biens et services. Si une telle articulation n’était pas effectuée, on aurait une hausse générale des prix liée à l’excès de la demande sur l’offre.

La deuxième urgence consiste à orienter et amplifier les politiques économiques africaines (budgétaire et monétaire) dans le sens d’un accroissement structurel des capacités d’offre de biens et services de première nécessité. En effet, au lieu d’accompagner la dynamique de demande des économies africaines, pouvant susciter des investissements productifs pour y faire face, les Institutions de Bretton-Woods ont préféré infliger à ces économies, une sérieuse cure d’austérité budgétaire à partir du début des années 1980, dans le cadre des Programmes d’ajustement structurels (PAS), dont l’échec patent est aujourd’hui illustré par les multiples carences identifiées en matière de prise en charge sanitaire idoine pour faire face à la pandémie du corona virus.

Enfin, le continent africain devrait s’atteler d’urgence à construire un paradigme endogène de développement, fondé sur la promotion d’une économie de proximité illustrée par les circuits courts particulièrement adaptés à des mesures de confinement des populations, d’une économie sobre en carbone afin de ne pas alimenter le réchauffement climatique dont il n’est absolument pas responsable, et enfin d’une économie solidaire fondée sur l’exigence de redistribution du surplus économique. L’économie africaine a toujours fait preuve d’un génie lui permettant de concilier harmonieusement son système productif et d’autoconsommation internes et le commerce à grande distance. L’économie de l’esclavage colonial a créé les ressorts de sa dépendance vis-à-vis d’une mondialisation aussi inégale que destructrice de l’écosystème naturel. La pandémie du corona virus offre aujourd’hui à l’Afrique son pire visage, celui d’un continent vulnérable, alimentant les pires craintes d’un désastre humain annoncé par les exercices de prospective des chancelleries occidentales. C’est paradoxalement l’heure pour l’Afrique de montrer à la face du monde, les ressorts secrets de sa résilience en assumant le changement. Le changement peut faire peur, peur parce qu’il y a l’inconnu. Ceci n’est pas nouveau, la question est existentielle. Mais pour y parer, il faut s’y préparer, débattre, envisager différents scenarii, agir et justement ne pas avoir peur, avoir confiance en nous.


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