L'allégement de la dette des pays Africains est plus que nécessaire

Le Sénégalais Cheikh Ahmed Bamba Diagne explique pourquoi l’allégement de la dette des pays africains est plus que nécessaire.

Symbolbild Schuldenerlass. Geldschein wird überreicht

Image: of Salomon Djidjoho L'allégement de la dette peut-il rétablir la prospérité économique ?

La question du réaménagement de la dette doit être appréciée, tant en rapport avec sa faisabilité qu’au regard de l’espace budgétaire qui est ainsi libéré, dans un contexte de ralentissement économique et de tarissement des sources de financement.

Du fait de la part relativement importante que le service de la dette représente dans le budget des Etats, un allégement de la dette totale libérerait autant de ressources à consacrer pour contenir la pandémie de la Covid-19 et de la baisse de l’activité économique qui s’en est suivie. Mais il faut observer que l’endettement des pays d’Afrique est très varié : dans le cas de certains pays les dettes dépassent déjà le Produit Intérieur Brut, pendant que d’autres ont mieux gérés leur degré d’endettement.

Le niveau d’amélioration de l’espace budgétaire dépendra principalement de deux paramètres :

D’abord, la durée de l’allègement. S’il porte sur une seule année, la marge de manœuvre budgétaire augmenterait du montant du service de la dette. Si la durée est allongée, la marge de manœuvre est multipliée en conséquence. Dans le cadre de l’arrangement en cours, la durée considérée par les bailleurs de fonds est d’une année. 

Deuxièmement, la part de la dette qui est couverte. Dans l’arrangement actuel, la dette privée n’est pas concernée par les mesures prises. Ce qui implique que la marge de manœuvre que gagnent les Etats se réduirait au montant du seul service des dettes bilatérale et multilatérale alors que la dette privée a connu une hausse considérable ces dernières années. En moyenne, les Etats de l’Afrique subsaharienne sont endettés à 40% auprès des bailleurs privés, mais il y a de grandes différences entre les pays.   

Toutefois, le 30 Avril 2020 le Club de Paris et l’Institut de Finance Internationale regroupant les créanciers privés ont organisé une rencontre virtuelle pour discuter d’une initiative de suspension du service de la dette (ISSD). Malgré quelques réserves, les créanciers privés ont soutenu l’initiative. L’ISSD vise à accorder des moratoires aux emprunteurs qui en feront la demande. Il est encourageant que la Chine, qui détient 40% de la dette africaine, a déclaré de joindre les institutions financières bi- et multilaterales dans cet effort.

Si un moratoire de la dette privée constituerait une énorme bouffée d’oxygène pour nos Etats, sa mise en œuvre quoique probable n’est pas pour autant garantie. Par ailleurs, les coûts pour les économies africaines devraient en être évaluées. Un important coût à considérer est lié à la notation financière (rating) de nos économies. Une agence de notation financière est un organisme chargé d'évaluer le risque de non-remboursement de la dette ou d'un emprunt d'un État, d'une entreprise ou d'une collectivité locale. Il y’a trois grandes agences de notation dans le monde, à savoir Standard and Poor’s (S&P Global), Moody’s, et Fitch. La réaction de S&P Global Rating face aux inquiétudes des créanciers privés des Etats africains en dit long. Parmi les 22 Etats qui sont notés en Afrique, 19 sont classés en catégorie spéculative (BB+ et en dessous) et quatre d’entre eux se retrouvent dans la catégorie CCC, c’est-à-dire extrêmement vulnérables aux changements de l’environnement des affaires et de la situation économique marquée par l’effet Covid.

En détail : Les pays dont l’endettement ne présente aucun danger à court terme sont le Botswana (BBB+), le Maroc (BBB-) et le District de Sainte-Hélène (BBB-) ; les pays dont l’endettement est jugé moins dangereux à court terme du fait de la stratégie d’endettement (créanciers multilatéraux 31%, créanciers bilatéraux 30% et créanciers privés 39%) sont l’Afrique du Sud (BB), le Sénégal, la Cote d’Ivoire, le Rwanda, le Benin et le Kenya (B+) ; le Burkina Faso, le Togo, le Cap-Vert, le Cameroun, l’Egypte, l’Ethiopie, le Ghana et l’Ouganda (B) ; le Congo Brazzaville et le Nigeria (B-) ; et les pays dont l’endettement est jugé dangereux et inquiètent tous les bailleurs sont l’Angola, le Mozambique, la Zambie et la RD Congo (CCC).

En résumé, quel que soit le scénario qui se présentera en rapport avec l’allègement de la dette des Etats africains, le risque est élevé et ne laisse pas intact leur capacité d’endettement international, à moyen et long-terme. Ce qui réduirait d’autant leur espace budgétaire déjà fortement entamé. Pour pouvoir financer la relance post-Covid, dans un probable contexte de récession mondiale, les Etats africains ont besoin de l’allégement de la dette extérieure.
 

Cheikh Ahmed Bamba Diagne est le Directeur scientifique du Laboratoire de recherche économique et monétaire (LAREM), Université Cheikh Anta Diop de Dakar.


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