COVID-19 : Une nouvelle approche contre la malversation de l’aide en Afrique

L'activiste nigérian Hamzat Lawal présente une nouvelle approche pour plus de transparence dans l'utilisation des fonds Covid-19.

Image: of David Dosunmu Où l'argent de l'allégement de la dette sera-t-il acheminé ? Fumigation de guichets automatiques à Owerri, au Nigeria.

En 2019, la majorité des pays de l'Afrique Subsaharienne ont enregistré un déficit budgétaire. Néanmoins, avec l'apparition de Covid-19, l'aide a augmenté en provenance de nombreuses sources. La communauté internationale et les partenaires au développement mobilisent des milliards de dollars en subventions, prêts et allègements et/ou annulations de la dette pour permettre à l'Afrique de mettre en place un plan de lutte contre la pandémie. On estime que les pays de l'Afrique Subsaharienne auraient besoin de jusqu'à 3% du PIB du continent en ressources supplémentaires de financement du secteur de la santé au cours des 250 prochains jours. Mais au milieu de tout cela, les fonds des donateurs en Afrique peuvent-ils travailler pour des populations ciblées et dans le but pour lequel ils sont institués ?

A la suite de l'épidémie de Covid-19, ‘Follow The Money’ (FTM) a lancé un projet baptisé #Follow COVID19Money - une campagne pour mettre en lumière et contrôler l'utilisation des fonds d'urgence et des dons contre la corruption et les abus en Afrique. La campagne est utilisée pour collecter, analyser les données et exiger la transparence et l’obligation de compte rendu relative aux fonds et aux dons Covid-19.

Au Nigeria, d'éminents dirigeants du secteur privé, sous la houlette de la Coalition contre le Covid-19, ont fait de dons de 27,160 milliards de nairas (approx. 64 millions d’Euros au 23 avril). En outre, la banque centrale a annoncé un plan de relance de 1 000 milliards de nairas (approx. 2,4 milliards d’Euros), puis le Gouvernement Fédéral a demandé à l'Assemblée Nationale d'approuver un fonds d'intervention de 500 milliards de nairas (approx. 1,2 milliards d’Euros) ; il a également retiré 150 millions de dollars du Fonds National de Souveraineté et emprunté 6,9 milliards de dollars au FMI - prétendument pour amortir l'effet de Covid-19.

A l’instar du Nigeria, la plupart des pays ont commencé à distribuer des fonds sous forme de palliatifs, mais la transparence et l’obligation de compte rendu restent difficiles à obtenir. Les demandes d'accès à l'information envoyées au Ministère Nigérian des Affaires Humanitaires n'obtiennent guère de réponses ou de traitement. Au Nigeria, sur plus de 90 millions de Nigérians pauvres, seulement 2,6 millions environ sont enregistrés dans le registre social. Néanmoins, les décaissements restent fragmentaires, opaques et extrêmement problématiques.

Avec une stratégie et un processus d'engagement harmonisés, le mouvement FTM au Nigeria, au Kenya, en Gambie, au Zimbabwe, au Cameroun, au Malawi et au Libéria fait pression sur les gouvernements et les agences nationales et régionales étatiques pour qu'ils rendent compte de manière transparente de chaque centime reçu pour les interventions de développement et aide d'urgence pendant cette urgence mondiale. Avec un réseau de journalistes de données bénévoles, de chercheurs, de conteurs et d’activistes, FTM suit, surveille, enquête, signale et expose les divergences dans la gestion des fonds des donateurs aux institutions publiques chargées des poursuites judiciaires. En outre, FTM procède à la vérification et au suivi des décaissements réels - transferts en espèces et en nature aux populations pauvres et vulnérables.

FTM déploie des solutions numériques pour mobiliser les citoyens et dialoguer avec les autorités sur la modération et la diligence régulière quant aux nouvelles législations et décrets et encourager l'action collective pour tenir les gouvernements responsables de déployer des stratégies d'engagement et de plaidoyer en ligne et hors ligne pour sensibiliser le public aux postulations de rétablissement post-urgence et réponses attitudinales qui favoriseraient la guérison et la récupération rapides.

Au Libéria, malgré les efforts en cours, le Gouvernement n'a pas encore informé le public sur le montant total des fonds donnés pour la lutte contre le Covid-19 à ce jour. Il a aussi refusé d'être ouvert sur les contraintes sanitaires actuelles ou d'expliquer clairement aux Libériens pourquoi le nombre de morts est si élevé par rapport aux pays où le nombre de personnes infectées est beaucoup plus élevé. Le Libéria est entravé par le secret dans l'administration des dons Covid-19 et ce serait pire si la communauté de la société civile était muselée ou bâillonnée par les autorités.

Les achats publics représentent la plus grande partie de la grande corruption sur le continent. Le 5 mai 2020, FTM a dirigé une coalition d'organisations anti-corruption au Nigeria (lors d'un webinaire) et a fait pression sur les autorités pour qu'elles ouvrent les processus de passation des marchés pendant cette urgence. Etonnamment, dans une double réponse (dans les 24 heures), le Bureau des Marchés Publics a publié les directives sur les achats Covid-19 pour garantir la transparence et minimiser la corruption. En outre, la Commission Indépendante des Pratiques de Corruption et Autres infractions Connexes a publié des Directives pour la gestion par le Groupe de Travail Présidentiel des fonds d’urgence Covid-19. Cependant, les intentions politiques sur le continent semblent toujours bonnes ; c'est au stade de la mise en œuvre que les choses s'effondrent. Aussi, le Ministère Fédéral des Finances, du Budget et de la Planification Nationale a-t-il publié ses Directives sur la gestion des fonds Covid-19 et a décidé d'être plus conforme aux principes de la liberté d'information.

Comme au Nigeria et en Gambie, FTM fournit aux citoyens des données sur les finances publiques pour leur permettre de « confronter » ou d'engager des dirigeants peu performants et d'extraire l'intendance ou le compte rendu lié aux dépenses publiques et le système s'ouvre peu importe la lenteur. Cette tentative n'est pas sans risques, il y a souvent des menaces de mort et des dommages physiques. Faire campagne pour la transparence et le compte rendu sur les dépenses publiques en Afrique est un passe-temps dangereux. Sur le terrain, nous avons reçu des chiffres contradictoires, des informations incomplètes et, à d'autres moments, une négligence pure et simple et des menaces. Comme de nombreux autres fonds d'intervention (par exemple le Fonds de Développement du Nord-Est au Nigeria), les fonds Covid-19 sont très sensibles aux abus et à la corruption.

En Gambie, des millions de dollars ont été dépensés pour les véhicules à moteur et les hôtels, tandis que les centres de traitement et les centres d'isolement identifiés sont dans des conditions délabrées. En tant que pays sous-développé avec un taux de pauvreté élevé, les ordres de séjour obligatoire à domicile ont entraîné un taux de chômage record, mis en péril la durabilité des petites et grandes entreprises, et les citoyens sont abandonnés à leur sort. Pendant les crises mondiales, les priorités et les ressources sont souvent détournées, ouvrant ainsi la voie à ceux qui se trouvent en marge de la société par des actes systématiques de corruption.

L'Afrique devrait considérer le Covid-19 comme une opportunité pour réinitialiser nos pratiques politiques, nos politiques et nos économies et nos systèmes de santé publique. Un moyen d'y parvenir est d'intégrer systématiquement la transparence et l’obligation de compte rendu dans les dépenses publiques. Cela libérerait de l'argent pour l'investissement dans des secteurs cruciaux et le développement social. Cela nécessite une synergie et une coopération des institutions informelles (par exemple, les associations de développement communautaire, les ONG, les institutions traditionnelles, etc.) avec les autorités et les organismes publics. FTM fait partie de la réflexion et de la nouvelle approche en mobilisant la base pour la responsabilité sociale. Les politiques de récupération post-coronavirus seront le test décisif si les dirigeants africains peuvent se lever pour en être la solution et non la victime. Et tout ce qui est nécessaire, c'est la volonté politique.


Hamzat Lawal est un militant nigérian de la lutte contre la corruption. Il est l'initiateur de la campagne ‘Follow The Money’ et le fondateur de ‘Connected Development’, une organisation à but non lucratif qui regroupe des analystes de données, des journalistes, des militants et des étudiants.


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