Covid-19 : une opportunité qu’il faut saisir

Faten Aggad, une panafricaniste algérienne, souligne les opportunités créées par la crise du Corona.

Trucks in einer Wüste, Benin

Image: of Salomon Djidjoho Covid-19 : une opportunité de diversifier les chaînes de valeur africaines ? Camions au Bénin avec du coton brut prêt à l'exportation.

Le SARS-Cov-2 a été surnommé le « grand égaliseur ». L'humanité avait besoin d'un organisme sous-microscopique pour se rendre compte que nous ne pouvons pas, après tout, avoir des destins individuels qui sont façonnés par la force évidente de nos économies respectives. Mais au-delà de ses effets immédiats, la pandémie façonnera l'ordre mondial dans lequel nous vivrons longtemps après sa disparition. Il agira comme un catalyseur de la transformation qui a en fait déjà commencé, alimentée par les changements dans le système de valeurs mondial et la montée de l'isolationnisme, une plus grande inégalité et le mécontentement, la montée des acteurs non-étatiques et l'urgence climatique.

Ce n'est pas souvent que de tels changements tectoniques se produisent - c'est une sorte d'opportunité unique en un siècle. Que les pays et les régions émergent mieux ou moins bien lotis dépend de la façon dont notre réponse collective permettra à nos pays de s'adapter aux exigences d'un monde interconnecté où les modèles économiques et financiers doivent être revus pour réduire les vulnérabilités aux menaces qui sont de moins en moins conventionnelles et cela d'une manière qui n’exacerbe pas les inégalités créées par le système actuellement en place.

Dans ce processus, l'Afrique peut en bénéficier, mais elle peut également devenir encore plus marginalisée. Les solutions négociées aujourd'hui détermineront les résultats auxquels le continent sera confronté. La Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique estime qu'au moins 100 milliards de dollars américains devront être injectés dans les économies africaines pour les aider à surmonter la crise. Il est clair que les mesures traditionnelles, notamment l'aide, ne suffiront pas à combler ce besoin immédiat. Même l’Union Européenne, principal fournisseur d’aide au développement de l’Afrique, n’a pas été en mesure de mobiliser de nouvelles ressources. Au lieu de cela, elle a choisi de réaffecter les fonds de développement existants de leur objectif initial pour être à même de mobiliser 3,2 milliards d'euros pour le continent (à l’exception des garanties et ressources de la Banque Européenne d'Investissement).

Il n'est donc pas surprenant que le premier appel émanant d'Afrique ne se soit pas concentré sur l'aide mais sur l'allégement de la dette pour permettre aux pays de créer un espace budgétaire pour répondre à des besoins multiformes. Certains pays africains paient jusqu'à 20% de leur revenu au service la dette. Ils consacrent une fraction de ce montant conformément aux plans de relance annoncés jusqu'à présent (à l'exception de l'Afrique du Sud qui a annoncé qu'elle consacrerait 10% de son PIB à la relance).

Le continent n'a pas tardé à formuler sa demande, signalant un abandon des approches précédentes - notamment la dépendance à l'égard de l'aide. La solidarité internationale sera donc essentielle pour donner au continent un bon départ dans le processus de relance. Après tout, nous avons appris de cette crise qu'aucune région n'est épargnée. Mais même avec une renonciation générale aux paiements d'intérêts sur la dette au titre de 2020 pour le continent, estimée à 44 milliards de dollars (un petite partie des fonds de relance de plusieurs milliards de dollars lancés dans les pays du nord) pour compléter les ressources mobilisées par les institutions multilatérales, notamment par le Fonds Monétaire International, le défi pour l'Afrique après 2020 restera de taille. A moins que le continent saisisse l'opportunité pour investir dans sa transformation.

La nature des menaces et des défis pour l'avenir signifie qu'il est peu probable que les solistes survivent. La coopération régionale sera un catalyseur essentiel. Heureusement, les réponses à la pandémie actuelle en Afrique sont source d'optimisme. Conscients de la faiblesse des capacités nationales, les membres de l'Union Africaine ont opté pour une action coordonnée, s'appuyant surtout sur le Centre Africain de Contrôle des Maladies, une agence de l'Union Africaine, pour concevoir des stratégies de réponse, mobiliser des ressources et renforcer la capacité des pays à dépister (en janvier, l'Afrique disposait de trois laboratoires qui pouvaient dépister le Covid-19 – l’Afrique du Sud, le Sénégal et l’Egypte - mais à la fin du mois de mars, 44 pays avaient des capacités nationales pour le dépistage). L'accord conclu début avril pour opter pour un approvisionnement groupé en produits diagnostiques et autres produits médicaux ainsi que des efforts coordonnés de lobbying international sur la réduction de la dette en sont d'autres exemples clés.

Mais cette approche régionale doit aller au-delà de la réponse immédiate. La crise a encore accentué la vulnérabilité de l'Afrique dans des domaines tels que la capacité de production et de fabrication. Il sera important de renforcer les approches régionales pour créer une plus grande autonomie en promouvant les chaînes de valeur et d'approvisionnement régionales. A cet égard, la Zone de Libre-échange Continentale Africaine est un tremplin considérable. Cette capacité permettra également à l'Afrique de se positionner à l'échelle mondiale. Et il y a des opportunités pour le continent. Un exemple typique est l'opportunité offerte par une demande probable de diversification des chaînes d'approvisionnement.

Dans son célèbre roman « La Peste », Albert Camus écrivait : « l’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même ». L'effet égaliseur du SRAS-Cov-2 et les changements qu'il est susceptible de déclencher ne devraient pas conduire au désespoir. Chaque changement s'accompagne d'opportunités et c'est la manière dont le continent tirera les leçons de cette expérience et s'engagera, espérons-le avec confiance, qui déterminera sa place dans un nouvel ordre mondial.


Faten Aggad, Algérienne, est la conseillère principale du Haut Représentant de l'Union africaine, Carlos Lopes. Elle travaille comme consultante internationale et est associée d'affaires du groupe Maendeleo,
Cape Town, Afrique du Sud.


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