Burkina Faso : Covid-19 et menace terroriste aggravent l’insécurité alimentaire

Jean Philippe Jarry du Burkina Faso explique pourquoi le Covid-19 renforce l’insécurité alimentaire dans un pays qui est déjà frappé par le djihadisme violent.

Farmer beim Gemüsepflanzen in Burkina Faso

Image: of Jasmin Hartmann La terreur, la sécheresse et Covid-19 aggravent la malnutrition.

La situation de l’insécurité alimentaire au Burkina Faso est actuellement caractérisée par un niveau élevé avec 1,2 millions de personnes en besoin d’assistance immédiate et plus de 300 mille d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aigüe au niveau national. Les populations de la zone du Sahel étant les plus affectées. La malnutrition est chronique et les causes sont structurelles et complexes. Elles résident dans la combinaison de plusieurs facteurs dont une campagne de production agricole courte durant quatre mois dans l’année, la vulnérabilité climatique, l’appauvrissement des ressources naturelles, un déficit chronique de production agricole, un très faible accès aux services sociaux de base due à la faible présence étatique.

L’insécurité marquée par les attaques des groupes jihadistes et l’augmentation des conflits intercommunautaires exacerbent l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans le Sahel et le Centre-Nord en réduisant les moyens de subsistance déjà fragiles des populations qui dépendent majoritairement de l’agriculture et du pastoralisme. L’insécurité limite l’accès aux champs et la production agricole. La coupure de routes y résultant affecte l’approvisionnement des marchés en produits agricoles, réduit la disponibilité de ces derniers, limite l’accès du fait de la fluctuation des prix, entrave la transhumance et l’accès des animaux aux pâturages à l’intérieur du Burkina et vers le Mali et le Niger. Le pillage des réserves alimentaires et du bétail réduit les capacités de résilience des communautés affectées par cette insécurité. En outre, plusieurs établissements de santé sont fermés ou fonctionnent à capacité minimale dans les zones touchées par l’insécurité réduisant ainsi l’accès aux services de santé incluant ceux délivrés aux enfants souffrant de la malnutrition sévère.

Les populations sont ainsi contraintes à se déplacer vers d’autres zones du pays (presque un million de déplacés internes (PDI) selon Office des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires) entrainant une surpopulation des villes d’accueil. Si certaines personnes déplacées résident dans des camps, plus de 80% des PDI sont hébergées dans des familles hôtes dont les réserves alimentaires s’épuisent rapidement. Les besoins humanitaires y relatifs ne sont pas couverts dans le Sahel et le Centre-Nord (seuls 3% des besoins des PDI sont couverts dans le Soum, 1% dans l’Oudalan et 2% dans le Bam, les lieux les plus affectés).

La pandémie de Covid-19 aggrave cette situation. Les différentes mesures de restrictions de mouvements de biens et de marchandises ont un impact négatif sur le fonctionnement des marchés déjà affecté par l’insécurité. A cela s’ajoute la fermeture de plusieurs petites entreprises du secteur informel, qui en plus d’entrainer une augmentation significative du chômage, s’est aussi traduit par la baisse du revenu des ménages tributaires de ce secteur. Les mesures liées à la prévention de la pandémie du Covid-19 risquent d’accroitre la vulnérabilité des communautés et le nombre de personnes en insécurité alimentaire surtout pendant la période de soudure qui s’annonce.

Le système de santé est aussi affecté. Les restrictions de déplacements des personnes instaurées pour freiner la propagation du Covid-19 ont par exemple entrainé la suspension temporaire des certaines campagnes de vaccination et ont réduit l’accès des organisations humanitaires aux populations freinant ainsi la réponse à leurs besoins élémentaires.

La récente levée des restrictions de déplacements liées au Covid-19 va faciliter la reprise de l’aide humanitaire auprès des PDI. Le Comité National de Secours d’Urgence a déjà appelé pour un soutien accru aux besoins alimentaires immédiats et à l’accès aux services sociaux de base des couches les plus vulnérables tout en intensifiant les campagnes de sensibilisation sur les mesures de prévention du Covid-19 liées à l’hygiène et à l’assainissement dans un contexte où il est difficile d’adhérer aux mesures de distanciation sociale du fait des habitudes culturelles.

Au long terme la réponse à la crise du Covid-19 doit être multisectorielle et s’attaquer aux causes structurelles des défis que rencontre le Burkina. Sur le plan de la santé, elle devrait intégrer l’amélioration de l’accès aux soins médicaux, la formation du personnel et le renforcement des capacités institutionnelles des établissements de santé. La réponse doit inclure les leçons apprises des diverses épidémies passées d'ampleur variable (rougeole, méningite, fièvre jaune) mais surtout de la mise en œuvre de la réforme du système de santé incluant un meilleur ancrage institutionnel de la santé nutritionnelle et sa promotion à l’échelle des ménages (utilisation d’aliments à haute valeur nutritive, diversification alimentaire, promotion de l’allaitement maternel, etc.).

La réponse impliquerait aussi la révision de la politique nationale de sécurité alimentaire et nutritionnelle en renforçant notamment la gouvernance politique, institutionnelle et financière ainsi que les capacités de prévention et de réponse aux crises alimentaires et nutritionnelles. Un accent particulier devrait être mis sur le renforcement la résilience économique et sociale des populations. La valorisation des potentiels agronomiques des zones excédentaires du Loroum, Bam et du Soum et l’Oudalan, l’appui à l’amélioration de la maîtrise de l’eau pour les activités agropastorales, l’adoption des pratiques agroécologiques dans la zone du Sahel sont des exemples d’actions permettant d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle sécurité alimentaire et nutritionnelle.


Jean Philippe JARRY est Directeur National de l’ONG allemande « Welthungerhilfe »  au Burkina Faso. Agro-économiste de profession, il dispose de beaucoup d’expériences dans le domaine du développement agricole en Afrique de l'Ouest et Centrale et à Madagascar après une carrière de 20 ans sur le terrain.


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