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Politik und Gesellschaft Online
International Politics and Society 4/2001

Kunibert Raffer
Laissez les pays faire faillite! Procédures d’insolvabilité équitables et transparentes pour États souverains débiteurs

Lukas Menkhoff
Pour une participation à l’ordre financier international équitable pour les pays en voie de développement

Stephan Böckenförde
La force militaire comme moyen de la future politique extérieure américaine

Harald Müller
Les dangers du Proche-Orient pour la communauté atlantique

Jürgen Kahl
Un grand pas dans la mondialisation. La Chine avant son entrée dans l’OMC

 

Kunibert Raffer

Laissez les pays faire faillite ! Procédures d’insolvabilité équitables et transparentes pour États souverains débiteurs

La procédure d’insolvabilité est une instance utile qui permet de régler rapidement une situation d’endettement insoutenable. Elle a pour principal objectif de limiter le dommage pour les créanciers de même que pour les débiteurs, et de préparer le terrain pour le redressement économique du débiteur. Ce qui se fait très couramment pour les entreprises insolvables, continue d’être refusé aux pays surendettés. Les crises d’endettement sont prolongées inutilement, avec des conséquences souvent catastrophiques pour les populations touchées. Les droits de l’homme sont subordonnés à des droits de créancier formels. En revanche, l’interminable maintien de l’insolvabilité ne sert pas les intérêts substantiels des créanciers. Le principal argument invoqué contre la procédure d’insolvabilité pour les États souverains consiste à dire que les États ne peuvent être soumis comme les entreprises à la curatelle de créanciers. Cet argument n’est pas solide, en effet les États souverains peuvent tout à fait se soumettre, en accord avec leurs créanciers, à une procédure arbitrale visant à établir la solvabilité de l’État souverain, et à déterminer un programme de remboursement par échelonnements du solde de la dette, de manière acceptable du point de vue économique. Pour cela, il existe toute une série de précédents. La section 9 du code américain de l’insolvabilité peut servir de modèle juridique pour la gestion appropriée de l’insolvabilité des États souverains. Cette section concerne des collectivités territoriales, dont les gouvernements sont élus et dont la compétence constitutionnelle n’est en aucun cas limitée au cours de la procédure d’insolvabilité. Des procédures visant à l’assainissement de situations de surendettement peuvent être menées ad hoc – sans traités internationaux –, lorsque les créanciers et les débiteurs sont politiquement prêts à accepter une juridiction arbitrale composée de membres paritaires et d’un membre neutre supplémentaire. Jusqu’à présent, il n’existe aucune instance d’arbitrage indépendante, et le pouvoir de décision est entièrement entre les mains de l’une des deux parties, à savoir des créanciers. Depuis la crise asiatique, l’idée d’une procédure d’insolvabilité pour les pays surendettés est de nouveau soumise à la discussion, mais se heurte à la résistance inflexible des gouvernements du G7. Les créanciers privés en revanche, sont nettement moins réticents.

 

Lukas Menkhoff

Pour une participation à l’ordre financier international équitable pour les pays en voie de développement

Incontestablement, les marchés financiers internationaux ont besoin d’une meilleure réglementation s’ils veulent rendre les crises financières plus improbables et leurs conséquences moins nuisibles au bien-être social des citoyens. Or la discussion sur la réforme de l’ordre financier international ne tient compte que des priorités des pays hautement développés. Les marchés doivent être rendus « efficients » eu égard aux objectifs prioritaires de ces pays. Une telle efficience n’est pas forcément dans l’intérêt des pays en voie de développement. En effet, en raison d’un retard dans le développement, auquel il n’est possible de remédier qu’à long terme, d’importants segments de leurs économies nationales sont beaucoup moins aptes que les entreprises des pays industrialisées à participer aux avantages de marchés financiers mondiaux « qui fonctionnent ». Les pays en voie de développement sont également beaucoup moins en mesure de se protéger contre les risques de crise résiduels. Par conséquent, les mesures réformatrices prioritaires ne sont pas les mêmes pour les pays en voie de développement et pour les pays du G5, lesquels jouent un rôle déterminant au plan mondial. Pour les pays en voie de développement, il serait important que les mécanismes traditionnels d’octroi de crédits soient maintenus jusqu’à nouvel ordre, même s’ils ne satisfont pas aux exigences des marchés financiers modernes. Dans les pays en voie de développement, les entreprises de production également sont beaucoup moins aptes que celles des pays industrialisés à s’adapter aux changements rapides des marchés financiers. Il est donc important pour ces pays de pouvoir s’isoler jusqu’à un certain degré des marchés financiers internationaux. Pour ces pays, des marchés financiers moins libres sont plus appropriés que pour les pays industrialisés. Parce qu’ils sont beaucoup plus vulnérables, les pays en voie de développement aspirent plus à des interventions macroéconomiques stabilisantes dans les processus du marché financier mondial. Pour les pays industrialisés, notamment pour les États-Unis, de telles interventions signifient surtout une restriction de leur marge de manoeuvre dans la politique économique. Les pays industrialisés ne dépendent pas des effets stabilisants, par exemple pour ce qui concerne les taux de change. Un ordre financier international qui néglige les objectifs des pays en voie de développement n’est pas équitable et ne peut – indépendamment de son degré d’efficience pour les pays industrialisés – être acceptable. Afin de rendre cet ordre mondial plus équitable, il faudrait permettre aux pays en voie de développement de participer plus activement à l’actuelle discussion sur la réforme de l’ordre financier.

 

Carlos Santiso

De la nécessité de redéfinir la coopération de développement et l’encouragement à la démocratie

L’optimisme des années quatre-vingt-dix eu égard à la démocratisation des pays en voie de développement et des pays en transformation a disparu. De l’Ukraine au Paraguay, de nombreux processus de démocratisation sont restés à un stade de transition : le développement démocratique stagne, sans qu’il y ait forcément un retour à des situations de pouvoir autoritaire étalé au grand jour. Jadis, l’encouragement à la démocratie se basait sur des prémisses erronées, c’est-à-dire sur l’identification de la démocratie sous sa forme libérale occidentale, sur la reconnaissance simplifiée de la démocratie comme une production de modèles institutionnels, ainsi que sur le fait de croire que la démocratisation consiste en une séquence linéaire et prévisible de phases. Jadis, ces prémisses se basaient elles-mêmes sur un principe de démocratie stéréotype lequel servait de modèle à l’aide à la démocratisation dans les pays en voie de développement et les pays en transformation selon un concept à trois éléments : primo l’incitation aux élections et (bien moins) aux partis politiques, secundo l’ébauche d’institutions qui agiraient comme « checks and balances » du pouvoir exécutif (jurisprudence, parlement, etc.), tertio le soutien de la société civile. En revanche, ce concept n’a pas suffisamment tenu compte des coûts de la démocratisation dans les pays pauvres, qui ont de nombreuses priorités mais peu de ressources. De plus, l’aide à la démocratisation et au développement économique ont été accordées sans interaction aucune. Avec le concept « good governance », qui a gagné en importance dans la politique de développement, on essaie toutefois aujourd’hui de maîtriser cette séparation de l’aide politique et économique et de placer l’interaction entre la réforme économique et la réforme politique au centre de la politique de développement. Cependant, l’encouragement à la démocratisation a surtout omis de voir dans son « idéalisme charitable » que les structures du pouvoir politique dans les pays bénéficiaires s’avèrent résistantes aux réformes démocratiques et qu’elles sont capables d’en détruire la substance. Il est indispensable que les promoteurs de la démocratie eux aussi, tiennent compte des relations entre les détenteurs du pouvoir et des intérêts qu’impliquent les institutions démocratiques.

 

Stephan Böckenförde

La force militaire comme moyen de la future politique extérieure américaine

Pur les États-Unis les interventions militaires sont un moyen pour imposer leurs intérêts nationaux, un moyen qui – depuis 1947 – est mis en relation avec le maintien de l’ordre mondial. Dans les années à venir  la politique la plus probable est un «selective engagement», qui – vu les moyens financiers limités – aboutira à une réduction des interventions à l’étranger, tout en rendant possibles des opérations commandos ou des raids aériens sur des cibles isolées d’une importance particulière. Les États-Unis utiliseront cette période de « repos » pour accélérer l’élaboration d’armes de technologie de pointe et de son armement dans l’espace à proximité de la Terre. Les conflits interétatiques traditionnels seront à l’avenir concentrés en Asie. On considère que le danger vient surtout des prétentions de la Chine, mais l’étroite coexistence en Asie de la plénitude du pouvoir et de l’absence de pouvoir entraînera également des crises. En outre, de nouveaux conflits éclateront, qui rendent imaginables plusieurs scénarios d’interventions militaires et auxquels devront se préparer les États-Unis – en tant que puissance de l’ordre mondial directement et indirectement touchée. Comme conséquence de l’élargissement du catalogue des exigences, l’armée aspire à une « supériorité sur toute la ligne »  [full spectrum dominance], qui comprendra notamment des forces armées ultramobiles pouvant recourir de manière accrue à des armes à distance et non-pilotées, permettant ainsi de minimiser le nombre des victimes dans les propres rangs. Les États-Unis seraient ainsi armés pour les conflits interétatiques traditionnels. En revanche, face aux conflits de modèle « post-national », aucune solution n’a encore été trouvée et l’on se contente actuellement de recourir essentiellement à des « Special Operation Forces », mais aussi à des entreprises privées. Étant donné que les États-Unis réduiront considérablement leur engagement militaire en Europe, les Européens devront à l’avenir assumer leurs missions de politique de sécurité nationale sans les Américains. D’autre part, pour ce qui concerne les menaces et les options d’action militaire, ils doivent se soumettre à certains développements, dont la plupart sont dictés par les États-Unis.

 

Harald Müller

Les dangers du Proche-Orient pour la communauté atlantique

Le Proche-Orient connaît quelques-uns des conflits les plus dangereux et les plus durables du monde. Étant donné que certains États de cette région possède des armes de destruction massive, ces conflits constituent également une menace potentielle pour les pays limitrophes. Même si Israël est le seul État du Proche-Orient à disposer d’armes nucléaires, l’Irak a été en passe d’en posséder tout récemment. Pour ce qui concerne l’État iranien, on suppose qu’il possède des armes chimiques, tout comme la Syrie et probablement la Libye. Quant à l’Égypte, même si elle s’engage avec fermeté contre la progression des armes nucléaires, elle travaille à l’élaboration d’armes chimiques et biologiques. Toutefois, de manière générale, on n’observe aucune progression des armes de destruction massive. La Turquie est le seul pays européen à être exposé à une menace directe du Proche-Orient. En raison de son rôle dans la guerre du Golfe, de sa coopération militaire avec Israël, de ses incursions répétées sur le territoire irakien et des plans de construction du barrage Atatürk, la Turquie a de nouveau lésé d’importants intérêts irakiens et syriens. L’Iran également est en grande difficulté avec ses voisins, un renforcement de son isolement face à la communauté internationale pourrait en effet entraîner une construction d’armes de destruction massive et mettre en danger la stabilité dans cette région. Un dialogue politique critique pourrait empêcher une telle évolution. Autre scénario souvent évoqué : l’influence des conflits régionaux politiques et militaires sur les livraisons de pétrole est telle qu’elle peut menacer l’économie mondiale et inciter les pays occidentaux à intervenir militairement – autrement dit à une nouvelle édition de la guerre du Golfe. Mais la répartition asymétrique du potentiel de destruction rend peu probable un tel scénario. Tandis que face à l’éventuelle menace du Proche-Orient, les pays européens tablent sur la diplomatie, le désarmement ainsi que sur des accords internationaux, les États-Unis refusent tout accord international limitant leur marge de manoeuvre. Au cours de ces dernières années, l’emploi de moyens militaires est devenu une priorité pour les États-Unis. Dans le conflit israélo-palestinien, les Européens adoptent envers Israël – qui refuse ne serait-ce que de discuter de sa politique sur les armes nucléaires – une attitude plus critique que les États-Unis. Tandis que les pays européens ne perçoivent dans les États du Proche-Orient aucune menace directe pour leur sécurité nationale, les États-Unis considèrent les missiles en Iran et en Irak comme une menace sérieuse, qui exige des mesures militaires de rétorsion. Cette divergence d’appréciation reflète des différences fondamentales quant aux principes et aux visions d’un nouvel ordre mondial, lesquelles pourraient engendrer de graves problèmes pour les relations transatlantiques.

 

Jürgen Kahl

Un grand pas dans la mondialisation. La Chine avant son entrée dans l’OMC

En faisant son entrée dans l’OMC, la Chine a pris sa décision la plus importante du point de vue de la politique de réforme depuis le début de son ouverture et de sa libéralisation économiques. Cette décision rend irréversible la transformation progressive de l’économie chinoise en un système d’économie de marché. Les réductions des droits de douane qui ont été convenues, ainsi que la suppression d’entraves non tarifaires au commerce renforcent la concurrence sur le marché chinois. Les assainissements structurels nécessaires, qui s’accompagnent de l’ouverture à la concurrence internationale, améliorent les conditions requises pour une croissance économique durable, mais entraînent toutefois des inégalités sociales qui pourraient conduire à une déstabilisation. Jusqu’à présent, les investissements étrangers et la part du lion des marchés à l’exportation se sont concentrés sur la région côtière, tandis que l’arrière-pays chinois n’est guère intégré dans ces circuits modernes. Ce déséquilibre renforce les différences régionales et sociales. La libéralisation du marché intérieur entraînera d’autres bouleversements sociaux, qui en raison des moyens réduits dont dispose l’État pour amortir le processus d’adaptation par des transferts sociaux, toucheront surtout les travailleurs dans les établissements publics. Ainsi, un groupe social très important pour la souveraineté du parti communiste verra ses intérêts lésés, ce qui pourrait mener à des changements importants dans le système politique. D’autre part, l’acceptation de normes juridiques internationales ainsi que le démantèlement du réseau composé de l’État, du parti et de l’économie, augmentent la pression exercée sur les dirigeants chinois pour rendre le système politique plus ouvert à la participation et l’adapter à l’ordre économique de plus en plus marqué par la liberté de décision et la concurrence. Au plan international, la Chine aura à l’avenir son mot à dire dans les règles de la concurrence mondiale. Son poids politique et les ambitions qu’elle apporte en tant que puissance économique et régionale en faisant son entrée dans l’OMC, constituent de nouveaux défis pour la capacité d’accord de l’organisation mondiale du commerce et la réussite des procédures de conciliation en cas de litige.


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