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Politik und Gesellschaft Online
International Politics and Society 1/2001


Jacques Delors
Pour une nouvelle dynamique dans le processus d'intégration européen

Benjamin Benz / Jürgen Boeckh / Ernst-Ulrich Huster
Le nouvel espace social "Europe". Tendances du développement et options d'aménagement

Dirk Messner
Une puissance mondiale coopérative. L’avenir de l’Union Européenne au sein de la nouvelle politique mondiale

Gerd Föhrenbach
Le partenariat pour la sécurité transatlantique au seuil du 21e Siècle

Eric Teo
L’émergence du régionalisme asiatique

Hartmut Elsenhans
La mondialisation comme frein à la croissance - Redynamisation par la politique du development

Christian Ahlert
Democr@tic-Global-Governance.net. ICANN en tant que paradigme de nouvelles formes de politique internationale dans le cyber-espace

 

Jacques Delors

Pour une nouvelle dynamique dans le processus d'intégration européen

 

L'intégration de nouveaux Etats membres dans l'Union Européenne complique de plus en plus la tâche d'approfondissement de l'intégration de l'Europe. Car bon nombre de pays membres ne seront pas en mesure de suivre le rythme de l'intégration que les pays d'origine de l'UE sont aptes et disposés à suivre. On court ainsi le risque que tout le processus d'unification ne puisse pas devenir plus qu'une zone de libre-échange, ce qui est d'ailleurs la volonté affichée de certains. Ceci ne serait pas à la hauteur des défis auxquels nous serons confrontés avec la mondialisation. Afin d'échapper au danger de la stagnation, les Etats membres qui sont d'ores et déjà disposés à accepter un large degré d’integration vont constituer une avant-garde qui s'engage dans la voie de l'intégration. Par conséquent, ils devraient se rassembler au sein de l'Union actuelle en une  „Fédération Européenne“ qui soit ouverte à tout moment à de nouveaux membres de l'UE. Cette fédération ne devrait pas être comprise comme un nouvel Etat national européen, mais plutôt comme „fédération d'Etats nationaux“ qui sont engagés en faveur du principe de la subsidiarité. Ce principe rendrait la répartition des compétences entre les niveaux de gouvernement tributaire de l'évolution des constellations de problèmes. La „méthode communautaire“ qui a conduit l'Union européenne à son stade actuel devrait aussi être conservée à l'avenir. La combinaison soigneusement équilibrée entre la souveraineté supranationale et la coopération intergouvernementale, qui constitue le signe distinctif de l'Union, ne doit pas être considérée comme une solution transitoire, mais comme l'atout véritable de l'Europe. Elle allie la fonction des Etats nationaux en tant que générateurs d'identité – et que rien ne peut remplacer jusqu'à nouvel ordre – avec la possibilité de relever de manière appropriée les défis internationaux et mondiaux.

 

 

Benjamin Benz / Jürgen Boeckh / Ernst-Ulrich Huster

Le nouvel espace social "Europe"
Tendances du développement et options d'aménagement

 

La Guerre Froide ayant été surmontée, des perspectives s'ouvrent pour "La Maison Commune Europe". Pourtant, dix ans après la chute du Rideau de Fer, on constate que même si d'une part, on peut se rattacher à une tradition commune, à côté de cela de nouveaux conflits peuvent éclater. Une imbrication croissante se dessine entre les Etats en cours de transformation de l'Europe de l'Est et les Etats de l'UE. Des structures et des processus sociaux  s'emboîtent dans ce nouvel espace européen en cours de constitution dans trois domaines fondamentaux : premièrement dans l'interdépendance économique entre l'Europe de l'Est et de l'Ouest, deuxièmement dans la migration, et troisièmement dans les incidences sur des domaines politiques importants, particulièrement la politique tarifaire, sociale et fiscale. Tout ça se combine pour promouvoir une transformation sociale de l'Europe qui est réclamée depuis longtemps par les forces libérales et conservatrices. Puisque les politiques sociales et fiscales restent en grande partie de la compétence des différents pays, elles seront soumises au sein de l'économie européenne sans frontières (pas vraiment mondiale) à une pression concurrentielle croissante. Elles deviendront des moyens pour garantir et améliorer la compétitivité nationale. Ici, la concurrence de pays à bas salaires de l'espace de l'Europe de l'Est ne joue pas encore de rôle important jusqu'à présent. Elle est néanmoins incluse dans la perception générale des sites en concurrence. La primauté de ce type de politique de réduction des coûts contribue à la polarisation sociale en Europe de l'Ouest. En même temps, on ne voit pas de signes de ce que le différentiel de développement entre l'Europe de l'Ouest et de l'Est soit en train d'être réduire. La conception dominante de l'intégration des pays de l'Est dans un marché européen global sans frontières ne fournit pas de levier politique pour atteindre cet objectif. La polarisation géographique persistante entre l'Est et l'Ouest va encore accroître la polarisation à l'intérieur de la société aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest. Ce qui est nécessaire, c'est une politique d'intégration alternative qui adopte des vitesses différentes toute en s'appuyant sur des valeurs fondamentales communes qui doivent inclure les droits sociaux fondamentaux.

Dirk Messner :

Une puissance mondiale coopérative
L’avenir de l’Union Européenne au sein de la nouvelle politique mondiale

 

Depuis le début des années 1990, l’Union Européenne commence à revêtir les habits d'acteur de la politique étrangère. Néanmoins, les acteurs européens ne pensent pas encore selon les catégories de la politique mondiale et à l’échelle du globe. Il manque un modèle ou du moins des questions de principe pour asseoir les processus de recherche et d’apprentissage de l’Union Européenne en matière de politique mondiale. La question décisive qui se pose, c’est de savoir si l’Europe veut devenir une puissance mondiale coopérative, afin d’influer sur la structuration de la mondialisation et sur l’édification d’une architecture de gouvernement mondial. Ce dernier point constitue le défi décisif pour la politique mondiale de demain. Pour relever ce défi, les critères de puissance traditionnels visant à protéger la "souveraineté extérieure" dans le monde anarchique des Etats ne sont pas pertinents. Il convient plutôt d’être capable de susciter une coopération transfrontalière pour garantir la "souveraineté intérieure" des sociétés (la garantie des objectifs de ces sociétés par rapport à un ensemble de problèmes qui sont liés les uns aux autres à l’échelle mondiale). Pour cela, il faut avoir de la puissance, afin de convaincre, de définir des agendas et d’édifier des structures. L’UE dispose de bonnes conditions pour cela, entre autres parce qu’elle n’est pas soumise aux tentatives unilatérales des Etats-Unis, puissance hégémonique. Par contre, il convient qu'elle se serve de ces conditions à des fins de développement et pour exercer sa puissance de définition, de consensus et de structures. Les premières étapes dans cette voie consisteraient à élaborer - au sein de débats européens et non restreints à l’échelon national - des idées cibles (structures de l’ordre mondial) et des conceptions sur la politique extérieure à adopter à l’égard des Etats-Unis et des autres acteurs de la politique mondiale (qui ne sont pas uniquement des Etats), ainsi qu’à intervenir d’une manière unie devant des tribunes internationales majeures telles que les Nations Unies.

 

Gerd Föhrenbach :

Le partenariat pour la sécurité transatlantique au seuil du 21e Siècle

 

En matière de politique de la sécurité, les relations entre les Etats d’Europe Occidentale et les Etats-Unis d’Amérique sont marquées actuellement par des différends dans bien des domaines. Pourtant, à l’avenir, les Européens et les Américains resteront tributaires les uns des autres. Il importe en particulier pour les Européens que la protection du Vieux Continent continue d'intéresser les Etats-Unis. En effet, depuis la fin de la guerre froide, de nouvelles menaces sont apparues, et le fait que plusieurs Etats soient dotés d’armes de destruction en masse ne constitue pas la moindre menaces. En Europe, on a tendance soit à sous-estimer cette menace, soit à considérer comme allant de soi l’appui militaire des Etats-Unis. L'Amérique, de son côté, tend à agir de manière autoritaire, sans tenir compte des usages de la coopération internationale, et suscite ainsi des ressentiments inutiles. Mais le fait demeure : les Etats-Unis n’ont cessé de prouver qu’ils sont, dans les situations graves, la puissance sur laquelle on peut compter pour s'attaquer aux problèmes internationaux graves (par exemple, en Bosnie et au Kosovo). Les Etats-Unis devraient fondamentalement changer d’attitude. Les Européens, quant à eux, devraient “ faire leur part ” sur le plan intérieur. Ils doivent en particulier apporter une contribution matérielle raisonnable à la capacité de fonctionnement du partenariat de sécurité transatlantique. Ils doivent entre autres renforcer leur potentiel militaire et s’adapter aux nouveaux défis. Les conceptions visant à développer une capacité militaire indépendante des Etats-Unis ne sont donc pas de mise.


 

Eric Teo:

L’émergence du régionalisme asiatique

 

Pour les Etats de l’Asie de l’Est, les avantages de la coopération ne cessent de se préciser depuis que la mondialisation économique remet de plus en plus en question les certitudes passées, et que l’orientation des divers Etats vers un système économique mondial d’apparence robuste, dont les centres de gravité sont situés ailleurs, n’est plus absolument l’option la plus immédiate. Jusqu’à présent, l’idée de la coopération régionale se heurtait à une priorité de la Realpolitik orientée vers des scénarios de menaces, à des rivalités de politique de puissance et à des stratégies d’alliances concurrentes. Le Rapprochement entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, dans lequel la Chine a exercé une influence déterminante, permet ici d’éliminer un obstacle important à la coopération dans l’ensemble de l’Asie orientale. Ceci permet également de jeter un éclairage nouveau sur les relations entre la Chine et le Japon. En même temps, en Asie du Sud-Est, on est parvenu d’une part à comprendre que le niveau de coopération sub-régional n’est plus adapté aux nouveaux problèmes. D’autre part, l’ANASE, par suite de la crise financière asiatique et de ses séquelles, ainsi que de son extension, a perdu une bonne part de ses capacités d’action. Toutefois, dans le cadre du concept "ANASE+3" (qui intègre la Chine, le Japon et la Corée du Sud), les premiers pas ont été faits vers l’établissement de structures de coopération régionales. Toujours est-il que la voie n’est pas encore libre pour poursuivre la mise en oeuvre de la idée régionale. Il subsiste des impondérables : la politique future des Etats-Unis et de la Russie, les difficultés internes de l’ANASE, le progrès du rapprochement coréen, les débats internes à la Chine et au Japon sur le rôle régional des deux pays et, surtout, la question de Taiwan.

 

Hartmut Elsenhans

La mondialisation comme frein à la croissance -
Redynamisation par la politique du development

 

Depuis que leur agriculture crée des excédents qui permettent de nourrir les travailleurs des villes, les pays en développement sont en mesure d'être compétitifs avec leurs biens industriels et de réussir sur les marchés mondial. Ils peuvent réduire pratiquement à volonté le salaire du travail – mesuré en dollars - dans leur industrie exportatrice, car ces travailleurs disposent des produits alimentaires bon marché locaux qui n'ont pas accès au marché mondial. La dévaluation de la devise réduit les salaires nominaux des travailleurs produisant pour l'exportation, et accroît ainsi la compétitivité internationale, tout en laissant quasiment inchangés leurs salaires réels. Cette possibilité de concurrence réussie par la dévaluation ne se heurte à des limites que lorsque la main-d'oeuvre dans le pays exportateur commence à se faire rare. Alors les salaires réels des pays du Sud croissent également, on assiste à des améliorations défensives de la productivité et à des décalages au niveau des prix relatifs. Une demande de consommation accrue a aussi des incidences sur le marché mondial. Mais tant que le travail est excédentaire et qu'on peut nourrir la population par des excédents agricoles à faible coût (si on les considère en termes de cours du marché mondial), la pénétration du Sud sur les marchés mondials signifie pour les produits industriels une lacune de la demande. Le mécanisme de croissance de l'économie capitalistique, qui s'appuie sur le plein emploi et sur l'obligation d'amélioration permanente de la productivité qui en résulte, a subi un coup d'arrêt. La main-d'oeuvre libérée dans les pays du Nord par la concurrence des pays du Sud à faibles coûts salariaux ne trouve pas de nouveaux emplois équivalents ; car il ne se crée justement pas dans la même mesure des nouveaux marchés que lorsque les revenus de la masse augmentent dans les pays du Sud. Pour que ces revenus s'accroissent, il faut d'abord que la main-d'oeuvre devienne rare dans ces pays-là. Ici peut intervenir l'aide au développement. Elle peut pour ainsi dire créer une demande artificielle qui emploiera directement une partie des effectifs et les tient ainsi à l'écart du „véritable“ marché du travail. La main-d'oeuvre peut alors devenir rare et la dynamique des salaires réels en croissance, de la productivité accrue (afin de compenser la pression sur les coûts) et de la demande croissante peut se mettre en marche. Les pays en développement s'intégreraient dans la dynamique de croissance du monde capitalistique mondiale, leur revenu moyen croîtrait à la mesure de leur productivité moyenne. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé aux „pays tigres“ de l’Asie de l’Est où les réformes agraires ont maintenu dans l'activité agricole, à un stade précoce du processus de rattrapage industriel, un grand nombre de leurs travailleurs.

 

 

Christian Ahlert

Democr@tic-Global-Governance.net
ICANN en tant que paradigme de nouvelles formes de politique internationale dans le cyber-espace

 

Les organisations internationale de type traditionnel sont d'une part de plus en plus inefficaces, car elles ne sont pas en mesure de relever les nouveaux défis mondiaux. Mais en même temps, compte tenu de ces défis, elles revêtent une importance de plus en plus grande. Ceci ne fait que projeter sur le devant de la scène leur déficit démocratique. Elles perdent leur légitimité auprès des gens. Face à cele, Internet avec ses formes de communication totalement détachées de la proximité spatiale et de la coordination chronologique, ouvre la possibilité d'une participation aux processus de prise de décision à l'échelle mondiale, et donc non soumis aux frontières nationales. Ceci peut se manifester aussi bien dans les référendums et dans les élections que dans des débats qui précèdent ces décisions. Ce qui paraît possible, c'est non seulement la décision démocratique transfrontalière, mais aussi une participation directe des personnes concernées par de telles décisions, et il semble donc que le besoin en mécanismes de représentation soit moins grand. L'ICANN, qui impose les règles si importantes pour le fonctionnement de l'Internet et pour les possibilités de participation à ce médium (et qui est qualifié de „gouvernement par Internet“), a fait élire ses dirigeants en l'an 2000 en partie directement par les utilisateurs d'Internet dans le monde entier. On ne s'est guère soucié de la représentation des Etats nationaux, mais simplement de celle des grandes régions du monde (continents). Le déroulement des élections a laissé beaucoup de souhaits inassouvis en matière de processus de formation légitime et démocratique de la volonté commune. Mais les campagnes électorales ont clairement mis en évidence le vaste potentiel d'Internet pour la participation mondiale à des discussions préparatoires à la prise de décisions. Néanmoins, même sur le Net la participation de grandes foules risque de devenir un rituel, au point que la véritable force de décision finisse par tomber entre les mains de petits groupes d'initiés. Les mécanismes de sélection qui restreignent la participation concrète à des discussions préparatoires à la prise de décisions à un nombre restreint de représentants du „demos“ d'Internet, semblent par conséquent être indispensable. Afin d'explorer encore plus à fond le caractère paradigmatique de l'élection de l'ICANN pour une future démocratie transnationale, il conviendrait aussi de comprendre sur le plan de la théorie de la démocratie la relation entre les décisions sur des „single issues“ et des processus de gouvernement plus vastes. Jusqu'à présent, la seule chose qui a été testée est la démocratie du consommateur.


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